Fin 2019, le Conseil des Affaires d’État (Guówùyuàn) a détaillé 37 mesures pour encourager la recherche et le développement dans l’industrie des circuits intégrés et celle des logiciels. Le gouvernement chinois a mis en place pour la première fois une politique d’incitation fiscale de très grande ampleur – la suppression de l’impôt pendant 10 ans pour les entreprises produisant – ou des projets de fabrication – de puces en 28nm, et d’au moins 15 ans pour celles ayant des projets sur les puces plus petites. Pour les entreprises qui fabriquent des puces en 63 nm et en dessous, la mesure antérieure reste inchangée – 5 ans de suppression de l’impôt et 5 ans de réduction de l’impôt de moitié. Cela signifie qu’au cours des dix ans à venir, l’État accordera plus d’attention au soutien des projets avancés et développés par l’industrie des circuits intégrés. Le terme employé par le gouvernement chinois à propos de la production, Zìzhu Kekòng siginifie « autosuffisante et contrôlable », mais on peut le comprendre comme signifiant : « Souveraineté des puces ». La réalisation de cette souveraineté sera notamment axée sur le rapatriement de la fabrication des puces et des semi-conducteurs sur le sol chinois.
L’accent est également mis sur la formation et l’acquisition de talents en matière de circuits intégrés et de semi-conducteurs. Il y aura plus d’investissement à la fois pour la formation en ces matières mais aussi pour les recherches scientifiques considérées comme ultra-stratégique. Concernant l’acquisition de talents, on observe déjà quelques initiatives d’entreprises chinoises auprès de talents de haut niveau, expérimentés, et passés par des compétiteurs étrangers ; ceux-ci viennent bien souvent diriger les équipes-clés, c’est-à-dire les équipes R&D des entreprises. Illuvatar Corex (Shanghai Tianshù Zhìxin), créée en 2015 et basée à Nankin, a réussi à fabriquer la première puce haut de gamme chinoise en GPGPU (general-purpose computing on graphics processing units) destinée au cloud computing. L’une de ses équipes clé en R&D est composée d’anciens talents en engineering d’AMD (Advanced Micro Devices) Shanghai. La même logique préside, pour une autre entreprise de Nankin en EDA (Electronic Design Automation) de semi-conducteurs, X-EPIC (Xinhuázhang), qui a convaincu notamment l’ancien Directeur général adjoint de Synopsys de les rejoindre pour définir la stratégie de l’entreprise. Un ancien vice-président de Cadence, avec plus de 30 ans d’expérience a aussi rejoint la société en tant que responsable scientifique. A noter que les entreprises américaines comme Synopsys, Cadence, Mentor Graphics ou Ansys, contrôlent environ 90% du marché mondial de semi-conducteurs.
Le troisième grand axe à retenir de ces 37 mesures chinoises est l’investissement massif, à la fois par des fonds nationaux chinois mais aussi via de nombreux fonds privés. En janvier 2021, deux start-ups chinoises de semi-conducteurs ont réussi leurs levées de fonds. (MEMSIC, 128,53 millions d’euros, et Enflame, 232,88 millions d’euros). Le premier, MEMSIC (Meixin), basée dans la ville de Tianjin, spécialisé en puces de détection, a levé ses fonds notamment auprès des fonds étatiques chinois comme Fenghua Capital (Fenghuá Ziben) détenu par Groupe Citic et Guofang Capital – Guófang Ziben). CITIC et CICC Alpha (Zhongjin Jiazi) ont investi dans l’entreprise de Shanghai, Enflame (Suíyuán Kejì), spécialisée dans la fabrication des puces pour l’IA. Par ailleurs, le gouvernement chinois encourage tous les gestionnaires de fonds à établir des fonds thématiques, dédiés à l’industrie des puces. Par exemple, en octobre 2019, le Fonds national d’investissement dans les circuits intégrés de la Chine (Big Fund Phase II) a mis en place un nouveau fonds d’un montant de 204,15 milliards de yuans soit 28,9 milliards de dollars, marquant ainsi le début de la deuxième phase de son soutien aux fabricants chinois de puces.