Intelligence artificielle Etat du marché à février 2019
Source : Understanding China’s AI Strategy : Clues to Chinese Strategic Thinking on Artificial Intelligence and National Security, February 2019
Depuis 2015 et le lancement du plan Made in China 2025, l’intelligence artificielle (IA) est identifiée comme une technologie stratégique par les dirigeants chinois (Xi Jinping en tête). Le New Generation Artificial Intelligence Development Plan (AIDP) de juillet 2017 pose le nouveau cadre et les priorités de ce développement. Le montant des dépenses publiques chinoises concernant l’intelligence artificielle n’a pas été rendu public, mais se compte en dizaines de milliards de dollars. Et deux provinces, Shanghaï et Tientsin, se sont engagées à dépenser environ 100 milliards de yuan chacun (14,7 milliards de dollars).
Etant donnée l’importance de la question, le gouvernement chinois a mis en place un système de veille stratégique à l’échelle nationale sur le sujet. Le Bureau politique du PCC a également organisé une session d’étude sur l’IA, ce qui est réservé aux questions politiques prioritaires.
De manière globale, la Chine voit dans l’intelligence artificielle un domaine où elle pourra progresser rapidement, voire prendre l’avantage, dans une course à deux avec les Etats-Unis. Elle est première au rang des papiers de recherche sur le secteur, mais aussi pour les dépôts de brevet ainsi que pour les montants investis. En revanche, les Etats-Unis ont davantage de personnel travaillant dans ce secteur et davantage d’entreprises.
La Chine a adopté une approche principalement commerciale même si l’usage des produits pourra être militaire. Cela a l’avantage de donner une rentabilité aux investissements qui ne seront à terme pas uniquement soutenus par le gouvernement. Toutefois l’investissement initial est fort. Deux fonds d’investissement ont été créés en 2014 (suite au Plan Made in China 2025) et en 2018 (suite au Plan AIDP), pour un montant total de 440 milliards de yuans (65 milliards de dollars). La principale volonté du gouvernement est de couper la dépendance aux Etats-Unis, principalement sur la question centrale des semi-conducteurs. Les entreprises qui ont émergées et ont été mises en avant par les autorités concernant l’IA sont : Alibaba, Tencent, iFlytek et Sense Time (qui possède les plus grands ordinateurs mondiaux). Les autres acteurs majeurs sont Huawei et ZTE. Seuls un retournement technologique majeur du secteur, ou la fin brutale des subventions (par suite d’une récession par exemple) pourraient remettre en cause le développement de l’IA en Chine. Enfin, la Chine a pour principale force, la qualité, la diversité et la quantité des données qu’elle peut exploiter a des fins de machine-learning.
Le pays a pourtant des faiblesses importantes. La plupart des papiers de recherche chinois sont publiés depuis l’étranger, en coédition avec des chercheurs non-Chinois. La Chine est également distancée par les Etats-Unis, en ce qui concerne le nombre de personnels les plus formés (8ème rang mondial). D’autre part, elle possède très peu de Brevets techniques standards (« Standard Essential Patents », principalement américains) qui sont nécessaires pour développer les technologies les plus en pointe. Les logiciels les plus importants sont encore souvent de licence américaine.
Mais la principale différence avec les Etats-Unis porte sur les semi-conducteurs à haute valeur ajoutée, principalement conçus aux Etats-Unis et fabriqués à Taïwan ou en Corée. En 2014, la Chine n’assurait que 29% de sa consommation domestique. L’objectif fixé pour 2030 est de 80% de couverture des besoins et la prévision pour 2019 est de 49%. Cette statistique masque un retard encore plus important sur les semi-conducteurs les plus avancés, pour lesquels le gouvernement Barack Obama a imposé une restriction à l’export vers la Chine (2015). Ces restrictions ont été renouvelées à l’occasion des conflits entre le gouvernement américain et ZTE (2018) puis Huawei (2019). D’où l’importance d’une autonomie chinoise sur ce secteur.
Les ventes de semi-conducteurs en Chine représentaient 11,8% (6,5 milliards de dollars) du marché en 2017 et son attendues en hausse à 25,6% pour fin 2019 à 17,3 milliards de dollars.
La Chine exprime de plus en plus d’inquiétudes concernant la course à l’armement en lien avec l’intelligence artificielle : l’IA permettra dans l’avenir de limiter les dégâts relatifs à une action militaire, et cela pourrait augmenter les risques d’affrontement entre Etats dans un avenir proche. D’autre part, les erreurs commises par l’IA pourraient entraîner des tensions conflictuelles involontaires. Les officiels chinois préconisent donc l’établissement de normes en la matière, et la Chine voudrait jouer un rôle moteur dans la création de telles normes.
Mais l’intensification des usages militaires de l’IA est attendu par la Chine qui exporte déjà des modules armés ou de surveillance autonomes grâce à l’IA. NORINCO, l’une des principales entreprises du secteur prévoit une généralisation des armes létales autonomes à horizon 2025. La Chine travaille également sur les véhicules militaires autonomes, ainsi que sur des drones qu’elle exporte déjà en Arabie-Saoudite et aux Emirats Arabes Unis.
Le Ministère de la défense national a établi deux organisations pour promouvoir la recherche en IA d’usage militaire via son Institut national d’innovation en technologies de défense (National Innovation Institute of Defense Technology) : le Centre de recherche sur les systèmes sans équipage (Unmanned Systems Research Center) et le Centre de recherche sur l’intelligence artificielle (Artificials Intelligence Research Center).
Enfin, le cabinet CBinsights a recensé 91 licornes chinoises leader dans le secteur de l'IA, à janvier 2019.
Etat du marché à juillet 2018
Source : Etude « China’s AI Development Report 2018 » de l’Université Tsinghua
Le marché de l’intelligence artificielle en Chine est désormais valorisé à 23,7 milliards de yuans, soit 3 milliards d’euros en 2017. Entre 2013 et le premier trimestre 2018, la Chine a concentré 60% des investissements mondiaux dans le domaine et c’est dans le pays que le plus grand nombre de brevets ont été déposés concernant l’IA.
Actualités
Février 2019. Le ministère de l'éducation annonce l'ouverture de 400 formations supérieures de niveau master dans le domaine de l'Intelligence Artificielle et de la robotique, sur l'année 2019.