Le président américain a passé deux jours en Chine, dans le cadre de sa tournée asiatique destinée à réaffirmer l’engagement économique et sécuritaire américain dans la région. L’aspect politique internationale et la question de la Corée du Nord ont constitué le point central de cette visite d’Etat en Chine, mais les relations commerciales avec la Chine qui sont au cœur de la politique intérieure américaine ont fait l’objet d’un chapitre important.
Le Président Trump a, depuis sa campagne présidentielle, souligné les difficultés que posaient pour les Etats-Unis, la relation économique et commerciale avec la Chine. Cette relation est marquée par un déficit commercial important : 350 milliards de dollars en 2016. Ce déficit commercial est tout de même en légère baisse (-5%), notamment du fait de la hausse des investissements chinois aux Etats-Unis ces dernières années. D’autre part, il entretient de très bonnes relations personnelles avec le Président Xi, qu’il a invité dans sa résidence privée à Mar-a-Lago en avril 2017.
Le président américain possède une image plutôt positive en Chine : il est admiré pour sa réussite personnelle tandis que son style direct via les réseaux sociaux est apprécié par les jeunes. Mais surtout les officiels chinois considèrent qu’avec lui, les Etats-Unis sont sortis de la position idéologique du Président Obama (qui mettait l’accent sur les droits de l’homme) et ont renoncé à une politique de containment vis-à-vis de la Chine. Le Président Trump adopte une position pragmatique sur les sujets économiques et internationaux et il n’a pas d’avis préconçu ou définitif sur la Chine.
Déroulement
La visite d’Etat du Président Trump en Chine a été marquée par une réception majestueuse au palais du peuple à Pékin, mais aussi par des moments plus intimes comme la visite de la Cité interdite, commentée par le Président Xi et des repas en présence des épouses. Pour marquer cette intimité entre les deux dirigeants, le Président Trump a présenté au Président Xi une vidéo de sa petite-fille récitant des poèmes chinois et chantant des chansons chinoises ; celui-ci a vivement apprécié le geste.
Lors des allocutions croisées au palais du peuple à Pékin, le Président Xi a déclaré que la Chine était prête à une coopération, à une coordination et à la réciprocité en matière commerciale avec les Etats-Unis. Après cette réception officielle, des négociations entre entrepreneurs américains et chinois ont eu lieu. La délégation américaine comportait en effet 28 entrepreneurs américains, soit la plus importante délégation d’entreprises américaines. Ces discussions ont abouti à la signature de 34 accords commerciaux, pour un montant nominal de 253 milliards de dollars. Le montant très important de ces accords (mêmes si tous les contrats ne sont pas contraignants) symbolise l’importance renouvelée des échanges bilatéraux et la volonté partagée d’équilibrer la balance commerciale. Ces contrats portent sur le secteur pétrolier, l’automobile, l’aéronautique mais aussi le big data, le médical, le culturel ou le concept de ville intelligente.
Enjeux économiques
Après la rencontre de Mar-a-Lago, les négociations économiques ont progressé dans le cadre d’un plan de 100 jours. Ces négociations à haut niveau se sont poursuivies depuis lors et ont permis d’aboutir à des avancées importantes au moment de la visite du président américain en Chine.
Les Américains peuvent désormais à nouveau importer du bœuf en Chine après plus de 14 ans d’interdiction, tandis que le marché reste encore fermé aux exportateurs européens. Les importations de soja américain vont également être facilitées ;Les exportations de GNL en provenance d’Alaska vont s’accroitre et Sinopec va participer à l’investissement dans les infrastructures de transport car les Etats-Unis sont trop lents sur le sujet ;En marge de cette visite, le gouvernement chinois a annoncé une modification réglementaire concernant le secteur financier (voir par ailleurs : http://afcdcp.wifeo.com/banque-assurance.php) ;General Electrics a annoncé sa participation à l’initiative des Nouvelles routes de la Soie, via la constitution d’une plateforme de co-investissement avec le fond pour les routes de la soie (Silk Road Fund). Cette plateforme dotée de 40 milliards de dollars, financera des infrastructures dans l’électricité, le gaz, le pétrole et les énergies renouvelables. De son côté, la Chine a demandé et obtenu une ouverture accrue du secteur des hautes technologies américaines à double usage, civil et militaire ; des coopérations entre entreprises des deux pays vont désormais pouvoir être menées.
Conséquences
La visite d’Etat du Président Trump en Chine soulevait un enjeu de stabilité globale de la région voire même du monde, d’où la nécessité de rapports non-conflictuels entre les deux pays. Outre le dossier brûlant de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, la relation commerciale a été au cœur d’une montée des tensions entre les deux nations au cours des dernières années. Mais l’intégration de la Chine dans la mondialisation et sa volonté d’ouverture, ainsi que le pragmatisme du président américain ont désamorcé une partie des tensions.
Cette visite fut un jalon placé sur l’ouverture progressive de la Chine, que le Président Xi a été autorisé par le 19ème congrès du PCC d’octobre 2017 à approfondir encore. La visite du Président Trump n’a pas fondamentalement accéléré cette ouverture et les autorités chinoises maintiennent leur feuille de route. En effet, l’asymétrie est moins forte que le Président Trump ne l’avait imaginé avant son accession au pouvoir : c’est l’Europe qui est le premier marché de la Chine et le décalage entre les Américains et les autres nations occidentales l’isole dans la négociation d’un accès élargi au marché chinois. Une problématique similaire se présentera à Macron lors de sa prochaine visite en Chine. D’autre part, si l’absence de discours sur les droits de l’homme est surtout une volonté du président américain, il témoigne également du rééquilibrage de la relation sino-américaine : l’Amérique ne peut plus contenir la RPC, notamment en mer de Chine du sud et la liberté de circulation est désormais à la discrétion du gouvernement chinois.
Chine et Etats-Unis sont en train de sortir de la conflictualité pour reprendre l’approfondissement de leur coopération : les deux systèmes politiques ont chacun évincé les idéologues au profit des pragmatiques au cours de leur dernière échéance politique. Cela s’est traduit par l’augmentation importante des investissements croisés et la multiplication importante des coopérations sino-américaines : les deux pays se rapprochent car ils ont des intérêts communs en matière économique.
